Un demi-siècle d’« Histoire de la folie »
Daniele Lorenzini & Arianna Sforzini (dir.)
coll. « Philosophie en cours », Paris, Kimé, 2013
coll. « Philosophie en cours », Paris, Kimé, 2013
L’Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault a produit, au moment de sa publication, une onde de choc. Cet ouvrage, foisonnant, baroque, labyrinthique, est apparu aussitôt comme insituable. S’agissait-il d’histoire, de philosophie, de littérature, de sociologie ? Les partages disciplinaires traditionnels furent emportés par le courant impétueux de ce livre impossible. Mais il n’y eut pas que les cercles universitaires pour se trouver inquiétés par ces thèses tumultueuses (l’exclusion de la folie par l’âge classique, l’hypocrisie atroce de la libération des fous par les médecins modernes, etc.). Le récit épique de l’enfermement des fous dans les prisons de l’ordre moral, des nouveaux partages imposés par les révolutionnaires, altérait la bonne conscience d’une psychiatrie qui se pensait, fondamentalement, et par la vertu d’une fondation originaire jamais interrogée, humaniste. Histoire de la folie préparait ainsi les révoltes de l’anti-psychiatrie.
Cinquante ans après la parution de ce qui, au départ, était une simple thèse de doctorat, l’éclat de la rupture est intact. Ce livre continue à troubler, fasciner, irriter. Notre culture ne l’a toujours pas digéré. On découvre sans cesse de nouvelles apories, de nouveaux problèmes, de nouvelles perspectives pour interroger l’avenir. Ces rencontres, provoquées à l’occasion de cet « anniversaire », ne sont pas des commémorations. Il ne s’agit pas d’établir scientifiquement ici ce que Foucault a vraiment voulu dire, mais d’entendre jusqu’à quel point, encore aujourd’hui, ce texte réinvente notre rapport à la folie.