Castoriadis et la question de la vérité (Cahiers Castoriadis 6)
sous la direction de S. Klimis, Ph. Caumières & L. Van Eynde
Edition: Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2010.
Que peut signifier la notion de vérité pour une pensée de la création? Telle est, brutalement exprimée, la question qui se pose à la lecture de l’oeuvre de Castoriadis. L’un des aspects les plus novateurs et stimulants de celle-ci est sans doute d’avoir montré que la société, toujours auto-instituée, est à saisir à partir de significations imaginaires qu’elle crée, et qui la structurent en retour : source de sens, elles spécifient notamment ce qui est juste et ce qui est injuste, indiquant par là ce qu’il convient de faire ou non – de telle sorte que leur légitimité semble hors de tout questionnement.
Cette remarque, qui suffit à manifester la possibilité de leur mise en cause, souligne que nous vivons dans une société pour laquelle la vérité se comprend, non comme reconnaissance d’un ordre particulier ou accueil d’une révélation, mais bien comme objet de recherche. Le deuil accepté de la saisie de l’Absolu ne conduit pourtant pas Castoriadis à réduire l’objectivité à l’ordre de l’intersubjectivité. La pensée humaine structurée par la logique classique, qu’il nomme ensemblisteidentitaire, est à même d’énoncer des vérités, assure-t-il. Ainsi, bien qu’échappant à toute structuration possible, l’être serait partiellement appréhendable par un logos spécifique, fruit d’une création historique; ce qui laisse quelque peu perplexe. N’est-ce pas le lot de toute grande pensée qui, chaque fois, porte unregard neuf sur les domaines du pensable ?