Projet 1 - Séminaire « Regarder, voir, entrevoir : transparence et opacité de la représentation »

Ce séminaire*, qui fédère les différentes orientations du Centre Prospéro, a débuté en septembre 2024, pour un cycle de 3 années.

*Depuis 2021, vous pouvez retrouver sur notre chaine youtube, les enregistrements de la plupart des séances du séminaire transversal.

Ce nouveau cycle de séances sera consacré à la question de la vision, perceptive comme imaginative. Nous nous interrogerons sur ce que le discours, le texte ou l’image (les représentations au sens large) nous permettent de voir, et sur notre capacité à atteindre le sens ou la signification de ce que nous voyons. La vision accède-telle au sens en toute transparence ou au contraire se perd-elle dans l’opacité du visible ? Entre ces deux bornes extrêmes, un large spectre de possibilités se déploie où la vision et l’imagination s’affrontent à l’ambiguïté des représentations qui oscillent entre visée de transparence et épreuve de l’opacité.

Ces questions très vastes pourront se déployer selon plusieurs axes, qu’il s’agisse de travailler les œuvres littéraires, picturales, cinématographiques etc., ou à même le discours philosophique. Ces axes pourront bien sûr être croisés dans une même séance.

 

– D’un point de vue épistémologique, l’opacité apparaîtra comme l’envers de la prétention à la connaissance (et non comme son contraire). Il s’agira alors de faire droit aux complexités de la pulsion scopique, de l’impulsion herméneutique ou des prétentions théoriques. Dans cette perspective, la question du point de vue sera au cœur de nos travaux, un point de vue qui à la fois ouvre la vision et la situe – et donc la limite, tel un obstacle épistémologique produit par le désir même de connaissance. Nous aurons également à poser la question de l’accès du discours philosophique à la vérité. Cette prétention suppose-t-elle nécessairement un idéal de transparence ou laisse-t-elle place aussi à une forme d’opacité du discours ? Et si la vérité ne peut se confondre avec la transparence représentationnelle, quelles formes de vérité du langage, du texte ou de l’image sont-elles en jeu ?

– Selon un deuxième axe, plus immédiatement esthétique, le traitement du voir et du « mal voir » (comme aurait dit Beckett) sera envisagé dans l’image, qu’il s’agisse d’images artistiques ou textuelles (littéraires). Nous interrogerons la manière dont l’histoire des arts, notamment visuels (peinture, cinéma) s’est construite sur fond d’une hésitation entre opacité et transparence : par exemple, pour Pline l’Ancien, l’origine de la peinture se trouve dans l’ombre (opacitas) en son altérité, tandis que, pour Alberti, c’est la contemplation de l’image, du reflet du même, un miroir de l’identité – il invoque la légende de Narcisse – qui fonde l’acte pictural à l’époque moderne. Ut pictura poesis : du côté de la littérature, à la suite de la peinture, se joue également une lutte entre un idéal de transparence transitive, pour reprendre les termes de Louis Marin, et la tentation de l’opacification du réel ; entre l’idéal de la description qui, le mot s’approchant au plus près du réel, donnerait à voir celui-ci tel qu’il est, dans un geste naturaliste, et la volonté de mettre en crise la représentation afin de distinguer le dire du voir, en rendant au premier toute son épaisseur matérielle. Quant au cinéma, sa brève histoire oscille entre vision machinique, voire documentaire, et fascination pour la spectralité qui donne accès à la vision de l’invisible.

– Un troisième axe s’orientera vers la politique et l’éthique. On sera alors notamment attentif à la dimension politique de l’empiètement entre transparence et opacité – entre exigence de transparence du discours et rhétorique performative qui est en soi facteur de construction d’un monde commun. Ainsi, l’idéal de transparence éthique et politique ne pourrait être oublieux des vertus de l’opacité, qu’il s’agisse de concevoir cette transparence à la manière d’un « voile d’ignorance » s’illusionnant sur ses capacités à établir des principes de justice en neutralisant tout point de vue situé, ou encore de céder à la tentation dangereuse d’une transparence absolue – tout connaître, tout voir, tout prévoir –, qui confinerait à une société de surveillance totale. Mais si, face à ces travers, d’aucuns en appelleront à plus d’opacité pour plus d’intimité, d’autres au contraire, puisant dans le même champ sémantique du voir, réclameront plus de visibilité pour les « invisibilisés », ceux que nos façons d’orienter les regards laissent trop souvent dans l’ombre. Comment dès lors penser un équilibre entre transparence et opacité, de soi à soi, de soi à l’autre, ou dans l’intersubjectivité d’un monde partagé ?

Événements à venir

21 Mar 2025

Séminaire Prospéro – Emmanuel Alloa (Université de Fribourg), Matérialités de la transparence. Les avant-gardes entre utopies totalitaires et héritage critique
Salle P02, UCLouvain Saint-Louis Bruxelles

4 Avr 2025

Séminaire Prospéro – Jérôme Dokic (EHESS), L’opacité de la vision et le sentiment de présence
Salle P61, UCLouvain Saint-Louis Bruxelles

16 Mai 2025

Séminaire Prospéro – Cécile Lavergne (Université de Lille), L’épistémologie de la résistance de José Medina : l’opacité comme oppression épistémique face aux imaginations résistantes
Salle P61, UCLouvain Saint-Louis Bruxelles

Événements passés

21 Fév 2025

Séminaire Prospéro – Marie Kondrat (Université de Lausanne), Les écueils de la visibilité

24 Jan 2025

Séminaire Prospéro – Arnaud Rykner (Sorbonne Nouvelle), Transparence et opacité de la photographie de théâtre : voir, ne pas voir… décevoir

22 Nov 2024

Séminaire Prospéro – Camille Chamois (Université de Nanterre), Imperception. Au-delà du débat entre perspectivisme et théories de l’esprit locales

25 Oct 2024

Séminaire Prospéro – Anne-Cécile Guilbard (Université de Poitiers), Donner forme aux transparences en arts visuels (peinture, photographie)

À l’intersection de l’histoire de la philosophie moderne et de la philosophie politique contemporaine, le projet BildungLearning entreprend de comparer la philosophie classique allemande de la Bildung (formation, culture de soi) et le paradigme contemporain de la Learning Society (société apprenante). En analysant ces deux paradigmes et leurs divergences conceptuelles, cette recherche financée par l’Union européenne pendant cinq ans vise à identifier et à mieux comprendre les mutations qui ont affecté l’idéal moderne de l’autonomie éducative – i.e. l’émancipation par l’auto-formation – et particulièrement la liberté académique de la fin du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. 

Consulter le site.

Événements à venir

Événements passés

Projet 3 – Philature, réseau international de philosophie et de littérature (en partenariat avec l’Université de Lille) - financé par le Fonds d’appui à l’internationalisation de l’UCLouvain

Le Centre Prospéro et le Laboratoire STL (Savoirs, Textes, Langage) de l’Université de Lille s’associent pour créer un nouveau réseau de recherche en philosophie et littérature.

Philature : tel est le nom choisi qui vise à explorer les multiples modalités de rencontre entre philosophie et littérature, entre littérature et philosophie – et la philosophie… et la littérature, aurait dit Deleuze. L’homonyme dont s’inspire ce nom, le terme de « filature », désigne d’abord la fabrication (ou la fabrique) du fil à partir de matières textiles, puis, par jeu de métonymie, l’action de filer quelqu’un pour en suivre les traces.

En ce sens, Philature est un réseau, c’est-à-dire un ensemble de liens tissés entre des chercheuses et des chercheurs qui veulent mettre en dialogue deux disciplines, et plus fondamentalement deux discours, ayant tout à gagner à ne pas s’ignorer. Il s’agit, de surcroît, d’un réseau où l’on travaille à même la matière du texte, tissu de formes (qu’elles soient littéraires et/ou philosophiques) créatrices de sens – du sens dont il s’agit de filer les traces, comme on repère et interprète des indices, afin de le produire encore et encore. L’enjeu de ce réseau n’est pas d’interroger par la comparaison ce qui ferait le propre de chacune de ces disciplines, ou à l’inverse d’appeler à un discours hybride en toutes circonstances, mais plutôt de faire droit à une pluralité d’écritures et de pensées dont le partage disciplinaire ne suffit pas à rendre compte.

Événements à venir

Événements passés

Projet 4 – Séminaire « Langage, action, connaissance »

L’axe de recherche « langage, action et connaissance » vise à explorer des problématiques de philosophie du langage contemporaine dans ses rapports avec la philosophie de l’esprit et de la connaissance. Les recherches qui y sont menées s’ancrent dans l’héritage de la philosophie analytique inspirée notamment, mais pas exclusivement, des travaux de Ludwig Wittgenstein, G.E.M. Anscombe et la philosophie du langage ordinaire.

De ce point de vue, la philosophie est conçue comme une activité conceptuelle et une d’analyse des usages du langage à partir de notre point de vue immanent d’usagers du langage. C’est une philosophie profondément ancrée dans la pratique ordinaire, qui refuse l’idée d’une posture transcendante du discours philosophique et cherche à amarrer ce dernier à notre position de « locuteur compétent ».

L’analyse du langage doit, de ce point de vue, permettre de nous émanciper des embarras philosophiques émanant de la « pulsion de généralité » du philosophe ou des « sortilèges du langage », pour reprendre l’expression de Jacques Bouveresse. En effet, le langage peut nous jouer des tours lorsque nous prétendons employer un mot ou une expression en rompant avec ses usages ordinaires et sans néanmoins avoir fixé le sens nouveau que nous lui accordons.

Dans le sillage de cette philosophie du langage, l’axe « langage, action et connaissance » se subdivise en trois sous-axes, qui constituent autant de pistes de dialogue avec l’ensemble des traditions de la philosophie contemporaine, depuis la philosophie analytique jusqu’à la phénoménologie, l’herméneutique et la psychanalyse. En effet, si la philosophie du langage contemporaine s’inscrit historiquement dans l’héritage de la philosophie analytique et anglo-saxonne, les recherches menées dans le cadre de cet axe visent aussi à montrer que les enjeux philosophiques abordés dépassent les clivages d’écoles et permettent d’instaurer un dialogue fructueux au sein de la philosophie contemporaine, pour initier des problématiques nouvelles.

Les trois sous-axes problématiques sont :

(1) « Langage, sens, usages », qui traite de questions classiques de philosophie du langage et les articule à des questions sur la nature de l’activité philosophique et à l’histoire de la philosophie analytique, avec un intérêt particulier pour les travaux du « Quartet d’Oxford » (Anscombe, Foot, Midgley Murdoch) et pour le rôle des femmes philosophes dans l’élaborations des questions centrales de la philosophie analytique contemporaine ;

(2) « Pratiques, actions, intention », qui développe notamment des questions de philosophie de l’esprit et de l’action dans leur rapports aux questions d’éthique et de métaéthique ;

(3) « Connaissance et connaissance de soi », qui s’intéresse à des questions relatives à la philosophie de la connaissance (à l’épistémologie des sciences humaines), aux modalités de notre rapport au monde et à nous-même. Ce faisant, il croise les questions développées dans le sous-axe 2.

Ces trois sous-axes ne sont ni indépendants ni exclusifs les uns des autres ; pensons, par exemple, à la question des rapports entre le sens, le vouloir dire et l’intentionnalité, ou encore à la question du rapport des énoncés en première personne à la connaissance de soi, à celle des rapports entre dire et connaître le monde, ou encore à celle des rapports entre connaissance de soi et agentivité.

Les problématiques qui caractérisent ces trois sous-axes sont les suivantes :

1. Langage, sens, usages

Le premier sous axe, « langage, sens, usage », vise à articuler la question du sens et des limites du sens à la façon dont les usages du langage construisent et régulent ce sens. Ces recherches envisagent donc également des questions d’ontologie du sens : comment caractériser le « mode d’existence » de la signification ? Comment le sens émerge-t-il du langage et de ses usages ? Qu’est-ce que la signification ? Quel est son rapport à la référence ? Etc. Elles visent ainsi des questions plus générales comme celle de la nature des rapports du langage au monde, le langage n’étant pas nécessairement pensé comme une simple représentation du monde mais comme faisant partie intégrante de celui-ci.

Elles visent également des questions de méthode et de pratique de la philosophie, par une interrogation sur le rôle de l’analyse du langage en philosophie, sur ce qu’elle permet de construire philosophiquement et sur le dialogue qu’elle engendre avec les questions traditionnelles de la philosophie.

Le corpus de ce sous-axe se développe, de manière non-exclusive, à partir des travaux de Frege, Husserl, Wittgenstein, Austin, Anscombe, Ryle, Davidson, Putnam, Travis, en revenant également à Aristote et aux réflexions des stoïciens et des médiévaux sur le langage.

Le deuxième sous-axe vise notamment à mettre en exergue les liens entre philosophie du langage, philosophie de l’esprit et philosophie de l’action à travers le concept central d’intention, étudié par Elizabeth Anscombe dans son ouvrage de 1957. Cependant, la portée de ce sous-axe ne se limite pas à cet héritage anscombien et vise plus largement à reposer certaines questions classiques de la philosophie sous l’angle d’une philosophie du langage. Notamment : quel type de lien lie l’intention à l’action qui la réalise ? Quel est le rôle du vouloir dire, d’une intention de signifier, dans la production du sens ? En quoi dire est-ce agir ? Dans quelle mesure la parole peut-elle modifier le monde et faire advenir quelque chose (par exemple, un engagement) ? Comment comprendre et critiquer la distinction classique du fait et de la valeur ?

Le corpus de ce sous-axe se fonde non exclusivement sur les travaux de Anscombe, Austin, Wittgenstein, Foot, Murdoch, Sartre, Cavell, Descombes, mais aussi Freud, Meyerson, Elias, Foucault, Hacking, etc.

Le troisième sous-axe, « Connaissance et connaissance de soi », se penche plus spécifiquement sur des questions de philosophie de la connaissance en lien avec la notion de vérité, à travers, d’une part, la question épistémologique des modalités de notre rapport au monde, notamment dans sa médiation par le langage, et, d’autre part, la question des modalités de la connaissance de soi. Tandis que la première question soulève des enjeux relatifs à la philosophie du langage et de la perception (J.L. Austin, C. Travis, T. Crane, J. Benoist), la seconde question soulève en outre des enjeux relatifs au rapport à soi et l’expressivité de soi, notamment dans le discours sur soi (L. Wittgenstien, E. Anscombe, V. Descombes, R. Moran, Ch. Larmore). Elle vise aussi des questions d’ontologie du sujet.

Il vise également à développer des recherches sur les modalités de l’explication de l’action humaine et entre en ce sens dans un dialogue nécessaire avec les sciences humaines, qui développent également cette ambition.

Événements à venir

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Événements passés

Organisations des doctorants et organisations en partenariat

Séminaire doctoral international « Voir et ne pas voir : que peut faire la littérature de l’image ? » : année académique 2024-2025
Ce cycle de conférences est organisé en partenariat avec l’Ecole doctorale Arts, Lettres, Langues (ALL) des Pays de la Loire (responsabilité. P.Lojkine).

À chaque séance, une conférence longue d’un chercheur est suivie d’un débat animé par un répondant, en vue de favoriser la réflexion dans les domaines des lettres, langues, linguistique, philosophie et arts sur des problématiques concernant l’esthétique, la représentation, les formes et les passages entre les arts.

Projets archivés

« Littérature et cartographie » – Projet de recherche (PDR) financé par le F.R.S.-FNRS (PDR/OL T.0189.20) – janvier 2020-décembre 2024 

On le sait, depuis le « Spatial Turn » qu’ont connu – notamment – les études littéraires, les travaux visant à analyser les rapports de la littérature à l’espace, et plus particulièrement à la cartographie, sont nombreux. Différentes approches de la carte par la littérature ont ainsi vu le jour : approches thématiques étudiant les textes dans lesquels sont mises en scène des cartes, approches visant à tracer la carte des lieux référentiels d’un récit, études des « cartes mentales » suggérées par les œuvres littéraires, approches géocritiques et géopoétiques,… Tout en restant ouvert à ces différentes démarches, le séminaire aura pour objectif principal d’explorer une voie différente et complémentaire, basée sur l’hypothèse selon laquelle la cartographie, en tant que système de représentation de l’espace, utilise des logiques et des procédés de représentation que l’on peut comparer à ceux que met au point la littérature dans ses différents rapports à l’espace (espace diégétique, mais aussi espace « énonciatif », positionnement dans le champ discursif, etc.). C’est la fécondité heuristique de ce postulat que le séminaire aura pour objectif de tester, en le confrontant à l’analyse d’œuvres littéraires – voire d’œuvres issues d’autres champs artistiques, à titre de comparaison ou de contrepoint – qui seront choisies par les participants. Le champ de la littérature contemporaine de langue française sera sans doute le mieux représenté, mais l’analyse d’œuvres d’autres langues et époques est également bienvenue.

Le séminaire accueillera toutes les personnes intéressées par le sujet, que celles-ci souhaitent ou non prendre en charge la présentation d’une séance. Dans la mesure du possible, les textes étudiés seront communiqués avant les séances.

Ce séminaire s’inscrit dans le cadre de l’axe « Théorie de la littérature, théorie par la littérature » du Centre Prospéro. Langage, image et connaissance, ainsi que d’un projet de recherche (PDR) financé par le F.R.S.-FNRS.

Séminaire « Penser au présent, penser en contexte. Contextualisation contemporanéité et historicité »

Cycle 2022-2024 du séminaire transversal du Centre Prospéro :

Tout au long de son histoire, la philosophie occidentale s’est interrogée sur le point de vue et la position d’énonciation à partir desquels elle a construit ses savoirs. Il est manifeste que ce geste d’autoréflexivité est au fondement même de toute théorie de la connaissance. La littérature, et l’art de manière générale, en ont fait autant, renouvelant sans cesse, au sein même de leurs pratiques, les modalités singulières de mise en scène de leur propre énonciation, de ses conditions de possibilité et de celles de leur autonomie.

Aujourd’hui, tout particulièrement, la mise en examen du contexte d’énonciation permettant de produire un énoncé, de sa structure et de sa légitimation, est au cœur de bon nombre de réflexions et de travaux philosophiques, mais elle a également des répercussions dans des champs disciplinaires variés. De surcroît, opérer un retour réflexif sur sa position d’énonciation suppose également d’être à même de se situer en tant que sujet de l’histoire : s’interroger sur la contemporanéité de son point de vue, sur ce qui fonde cette contemporanéité et ce qu’elle entraîne comme conséquences, geste nécessaire pour mettre en perspective toute interprétation des productions discursives passées et présentes.

Au-delà de sa dimension épistémologique, ce questionnement ne peut manquer de susciter, dans le champ des savoirs, débats et controverses. Il suffit de songer à tous ceux que génère dans l’actualité la survivance de certaines œuvres du passé, celles qui heurtent nos sensibilités, notre terminologie, nos croyances et nos valeurs d’aujourd’hui : comment poser un geste herméneutique qui, sans oblitérer le propos ni se contenter de renvoyer l’œuvre aux erreurs de l’histoire, fasse droit à ce qui en elle peut nous être contemporain ? On songera également à ces actes d’autocensure que l’époque s’impose à elle-même, le plus souvent dans le silence et le sous-entendu, à ces strates idéologiques sur lesquelles, à notre insu, nous construisons ce que nous pouvons dire, voir ou savoir, et à partir desquelles nous oublions tout aussi bien les angles morts de notre pensée.

Autant d’interrogations que suscite cette situation, fondamentale, à laquelle nous ne pourrons jamais échapper : puisqu’il ne nous est pas davantage possible d’être partout que d’être nulle part, puisqu’il nous faut penser à partir d’un ici et d’un maintenant, il s’agit d’en prendre conscience et de tenter de rendre explicite ce que nous pouvons et ce que nous ne pouvons pas savoir ; assumer ce qu’implique penser à partir du présent et du contexte que nous nous forgeons.  Pour nourrir ce questionnement et le séminaire au fil duquel il sera développé, trois pistes de réflexion (complémentaires et liées les unes aux autres) sont proposées, qui se veulent plus indicatives qu’exhaustives ou contraignantes – les références théoriques ou les orientations de pensée auxquelles il est fait allusion n’ayant elles aussi qu’une valeur de point de repère.

Voir l’argumentaire et le programme complet.

Séminaire « Pensées plurielles du singulier. Cas, exemples, exceptions »

Cycle 2019-2022 du séminaire transversal du Centre Prospéro :

Ce thème est déployé selon deux directions complémentaires.
La première est d’ordre épistémologique et méthodologique. Il s’agit de déplier, dans le champ de la philosophie et des études littéraires – les deux domaines de recherche privilégiés du Centre Prospéro –, mais également dans d’autres sciences humaines, ce que signifie, pour reprendre le titre de l’ouvrage dirigé par J.-Cl. Passeron et J. Revel, « penser par cas ». Confronté à la théorie, un cas singulier peut tout aussi bien faire figure d’exemple que d’exception : tantôt il assumera le rôle de preuve ou d’illustration pour la théorie qu’il contribuera à fonder, la question étant alors de savoir comment passer du cas à la généralisation ou de l’hypothèse théorique à son exemplification ; tantôt au contraire, le cas singulier se présentera comme un obstacle épistémologique par rapport au paradigme théorique : problème, exception, énigme, voire aberration, il impliquera un moment de rupture, d’indécidabilité ou même d’incompréhension dans le cours de la pensée ou de la recherche. Il s’agira donc d’explorer la tension féconde entre le général et le particulier dans la construction du savoir en s’interrogeant sur le statut de vérité du cas et sur les principes d’une science fondée sur la description, l’interprétation, l’évaluation ou l’exploration de la singularité.
Selon ce premier axe de travail, les intervenants pourront soit s’emparer de la question épistémologique d’une manière générale, soit exposer comment telle ou telle singularité – qui peut être une œuvre littéraire ou artistique – a constitué pour eux une pierre de touche, corroborant, infléchissant ou subvertissant un élément de théorie ou un savoir général et abstrait. Ils pourront également explorer de quelle manière la confrontation de la pensée au singulier peut s’avérer être un vecteur d’interdisciplinarité, en ce sens qu’elle constitue un point de rencontre épistémologique et méthodologique entre les sciences humaines, et même entre les sciences humaines et les sciences dites « exactes ».
La seconde direction est d’ordre théorique ou spéculatif et consiste à travailler le concept de singularité en tant que tel. Nul doute qu’aujourd’hui, les concepts de « singularité » et de « singulier » connaissent un engouement certain, non seulement en philosophie mais également dans de nombreux champs des sciences humaines. Mais reçoivent-ils toujours une acception clairement définie ? Notre séminaire se donnera pour ambition d’explorer cette question. En ce sens, on se demandera par exemple quel est le rapport entre singularité et subjectivité – une singularité est-elle une forme de subjectivité vidée de tout substantialisme ou de tout psychologisme, une subjectivité « impersonnelle », comme disait Deleuze ? – ou encore, le rapport entre singularité et événement – toute singularité est-elle événementielle ? Tout événement constitue-t-il une rupture, un élément de discontinuité dans l’ordre continu du temps ? On s’interrogera en outre sur ce qui lie la singularité à la différence, comme cas

particulier ou comme principe de différenciation, ou encore sur le rapport que des singularités peuvent créer entre elles et qui échappe au rapport du singulier à l’universel – singularités et répétition, singularités et série, singularités et catégorie, etc.
Au sein de ce second axe de travail, les intervenants pourront bien évidemment, s’ils le souhaitent, laisser une place à la réflexion esthétique et poétique : il s’agira alors de penser l’œuvre esthétique ou artistique comme une singularité radicale, que sa forme rend irréductible à toute autre, ce qui ne l’empêche pourtant pas de rentrer dans certains types de dialogue avec le général – le rapport de l’œuvre singulière au genre, par exemple, ou encore de l’œuvre à la théorisation.

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« Philosophie critique de l’à-venir. Temporalité, imagination, utopie » – Projet financé par une Action de Recherche Concertée (ARC 15/20-071) en collaboration avec l’UNamur (centre ESPHIN), années académiques 2016-2021.

Ce projet, mené en collaboration avec le centre ESPHIN de l’Université de Namur, avait pour objectif d’étudier (y compris en les croisant) les différentes modalités de la puissance critique générée par la dimension projective de notre temporalité vécue, que ce soit individuellement ou collectivement. L’hypothèse qui sous-tendait la recherche consistait en ceci que le couple conceptuel « continuité-discontinuité », très présent dans la philosophie moderne et contemporaine, fût-ce de manière implicite, est le plus à même de libérer cette puissance critique. Pour autant, l’analyse a également fait droit à la capacité de la pensée philosophique à étouffer cette puissance lorsqu’elle déséquilibre la dialectique de la continuité et de la discontinuité au profit d’un des deux termes. Le projet a donc consisté, en ses différentes composantes (thèmes et équipes de recherche), à dresser une cartographie des refus de la puissance critique et à dessiner les conditions de cette dernière – dans les deux cas : à même le schème continuité-discontinuité, dans les dissensions et intrications de ses termes.
Le projet a permis aux différents membres des deux équipes de recherche d’acquérir des compétences et une expertise spécifique sur des thématiques liées à la philosophie de l’histoire (temporalité, historicité), la question de notre rapport à l’avenir (imagination), notamment par le biais de l’utopie.
Trois axes ont été développés :
– Temporalité
– Imagination
– Utopie

Voir l’argumentaire et le programme complet.

« Iconologies, sensibilité, temporalité » (PDR) – Projet de recherche (PDR) financé par le F.R.S.-FNRS (PDR/OL T.0233.19) – janvier 2018-décembre 2022

Ce projet, mené en collaboration avec les chercheurs en esthétique de l’Université de Liège, vise à rendre corps à l’expérience esthétique. La tradition iconologique, qui a innervé tout le champ de l’esthétique et de la philosophie de l’art au XXème siècle, a apporté une contribution à l’intelligibilité des œuvres qui reste essentielle. Mais pour autant, elle a payé le prix de cette intelligibilité d’un sacrifice de certains modes de la sensibilité dans le rapport aux œuvres. Le premier sacrifice a été celui des sens eux-mêmes. Ou plus exactement, des sens autres que la vision. Il s’est agi d’un isolement du regard esthétique, comme s’il n’avait pas partie liée à l’ouïe, au toucher, à l’olfaction.

L’iconologie a ainsi notamment contribué à une occultation de toute dimension synesthésique. Mais corrélativement, en instituant ainsi le privilège de l’œil, l’iconologie a aussi tendu à consacrer celui-ci dans son univocité et son infaillibilité – le second sacrifice de l’iconologie. L’œil est-il incorruptible ? Certes non, et il faut bien plutôt faire droit à sa temporalité et à son historicité. Rendre corps à l’expérience esthétique, c’est dès lors à la fois restituer le visible dans son commerce avec les autres sens et penser le regard dans ses défaillances et limites qui sont constituantes de l’expérience esthétique.

Ce projet ne vise pas à disqualifier l’iconologie, mais à l’enrichir en la complexifiant : d’une part, dans la prise en vue d’expériences esthétiques contemporaines, en l’ouvrant à la synesthésie ; d’autre part, en remobilisant dans les textes fondateurs de l’iconologie ses ambiguïtés et son rapport à l’historicité et à la fragilité de l’intelligibilité des œuvres.

 AutonomiCap (ARC)

Le 1er octobre 2019 a marqué le coup d’envoi du projet de recherche AutonomiCap (« L’autonomie à l’épreuve du handicap, le handicap à l’épreuve de l’autonomie »), qui bénéficie d’un financement ARC (action-recherche-concertée) pour cinq ans (2019-2023). La problématique centrale de ce projet consiste à analyser, par le biais d’une approche interdisciplinaire, de quelles manières la montée en puissance des références à l’autonomie transforme les objectifs et les modalités des politiques publiques à l’égard des personnes en situation de handicap.

Le projet est porté par une équipe interdisciplinaire de l’Université Saint-Louis Bruxelles, qui réunit les trois doctorant.e.s (Sophie De Spiegeleir, anthropologue, membre du Casper et du CESIR ; Noémie Rimbourg, anthropologue, membre du Casper et du CESIR ; Louis Triaille – juriste, membre du Circ et du Grepec) et les six promoteurs du projet (Valérie Aucouturier – philosophe, membre du Centre Prospero ; Yves Cartuyvels – juriste et criminologue, membre du Grepec et du CESIR ; Abraham Franssen – sociologue, membre du CESIR ; Isabelle Hachez – juriste, membre du Circ ;  Nicolas Marquis – sociologue, membre du Casper ; Yannick Vanderborght, politologue, membre du Crespo) ; un.e post-doctorant.e viendra prochainement renforcer l’équipe. Au total, l’équipe de recherche a vocation à constituer un pôle d’excellence en disabilities studies au sein de l’université Saint-Louis-Bruxelles (USL-B).
Dans sa dimension philosophique, il s’agit de confronter (en lien avec les recherches menées dans le cadre de l’axe « Langage, Action, Connaissance » du Centre Prospéro) l’analyse conceptuelle de la grammaire de l’action (volonté, intention, responsabilité, autonomie, hétéronomie, responsabilité, irresponsabilité) aux cas limites de l’agir qu’étudient les enquêtes empiriques et textuelles menées dans le cadre du projet AutonomiCap sur la mesure et les critères d’évaluation de l’autonomie et du handicap.

Pour en savoir plus : https://autonomicap-usaintlouis.org

Groupe de recherches Castoriadis

Le Groupe de Recherches Castoriadis se donne pour objectif de favoriser un débat interdisciplinaire vivant autour de la pensée de Cornélius Castoriadis. L’oeuvre de Castoriadis nous semble aujourd’hui trop peu connue au regard de la richesse conceptuelle qu’elle recèle et de l’intérêt qu’elle peut dès lors représenter pour d’autres courants philosophiques et pour la plupart des sciences humaines. Elle nous paraît pouvoir enrichir de nombreux débats actuels dans le champ de la philosophie, des études littéraires, de la linguistique, de la psychologie, de l’anthropologie, de l’histoire, des sciences sociales et politiques, des sciences juridiques. Elle est susceptible de favoriser la rencontre interdisciplinaire entre des thématiques de recherches naturellement trop enserrées dans des champs scientifiques institués. Il ne s’agit donc pas pour ce Groupe d’entamer un travail hagiographique ni de développer une activité de recherche concentrée exclusivement sur les textes de Castoriadis, mais bien de profiter des nombreux enjeux de cette oeuvre pour en faire un objet de débat et l’un des outils de la pensée contemporaine.
Le Groupe de Recherches Castoriadis prend en charge la publication des actes des journées d’étude qu’il organise, sous la forme de « Cahiers Castoriadis ».

Séminaire « Écriture et témoignages »

Le témoignage écrit constitue un genre hybride au croisement de la fiction littéraire, du compte-rendu historique, de l’autobiographie, du journal intime, de l’essai historique ou de la réflexion philosophique sur la nature humaine. Dans « l’ère du témoin » actuelle (Wieviorka), où les témoignages se multiplient sous forme d’enregistrements audio ou vidéo, de textes et documents divers, notre attention se porte en premier lieu vers ceux qui, soumis au processus d’écriture, deviennent de véritables récits. Le séminaire de recherche « Ecriture et témoignage » entre dans sa seconde année de travail. Il se propose comme lieu de rencontre et de discussion interdisciplinaire autour d’un sujet destiné initialement aux chercheurs en littérature mais ouvert également à d’autres spécialistes : historiens, psychologues, juristes, linguistes, traducteurs. Une fois par mois, les organisateurs du séminaire invitent un(e) spécialiste dans un domaine de recherche spécifique et toujours différent, pour donner une communication en rapport avec la notion et la pratique du témoignage. Chaque conférence se prolonge par une discussion collective.

Le séminaire a désormais le statut de séminaire interuniversitaire, reconnu par l’Ecole Doctorale « Langues, Lettres et Traductologie » près le FNRS (ED 3)