Séminaire doctoral international – Juliette Morice (Université Le Mans /3LAM), Voyage et pulsion scopique

Vendredi 20 décembre 2024

14h-15h30

Répondante : Patricia Lojkine (Université Le Mans).

Résumé :

Le voyage engage immédiatement la question du « voir », comme une évidence : la raison de voyager la plus ancienne et semble-t-il la plus indiscutable consiste à dire que l’on part pour « aller voir ailleurs ». Reste à savoir ce que veulent dire exactement ces trois mots : « aller voir ailleurs ». J’aimerais montrer que cette seule expression met au jour un certain nombre de paradoxes inhérents à la pratique et à la littérature de voyage. (1) Le premier d’entre eux concerne la temporalité du voyage. Partir en voyage, c’est s’attendre à voir quelque chose ; revenir, c’est avoir vu (ou non) ce que l’on s’attendait (ou non) à voir, et c’est en rapporter un certain nombre d’images : ainsi se conçoivent les échecs, les succès et les surprises du voyage – et le problème de la restitution que l’on peut en faire. (2) Le deuxième concerne ce que H. Blumenberg appelait la « légitimité de la curiosité théorique » (La Légitimité des temps modernes, tr. fr. Paris, Gallimard, 1999). On voyage pour voir le monde « de ses propres yeux », suivant un argument fort ancien, celui de l’autopsie au sens strict (le voir-de-ses-propres-yeux) : mais en quoi importe-t-il que je fasse à mon tour cette expérience que d’autres ont faite avant moi ? Qu’est-ce qui légitime l’appétit de voir du voyageur ? (3) Enfin, un dernier problème concerne la direction du regard du voyageur, que l’on peut entendre de deux manières, ou bien normative, ou bien descriptive. Diriger le regard du voyageur peut signifier d’abord lui apprendre à bien voir : c’est là ce qui justifie l’idée que l’on voyage en suivant des règles et des méthodes, pour savoir où regarder. Aussi a-t-on pu dire, dès la Renaissance, qu’un mauvais voyageur, comme un mauvais peintre, était celui qui ne savait pas voir. Mais la direction du regard peut s’entendre également comme simple orientation du regard. Or l’un des paradoxes du voyage est que l’on se retrouve à aller voir non plus ailleurs, mais à l’intérieur de soi : comme si l’on partait… pour « aller voir en soi ».

Conférence en relation avec le dernier ouvrage paru de Juliette Morice, Renoncer aux voyages. Une enquête philosophique, PUF, 2024 :

https://www.fabula.org/actualites/120996/juliette-morice-renoncer-aux-voyages-une-enquete-philosophique.html.

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