Le Centre Prospéro organise, à l’initiative et sous la responsabilité de Claire Lozier, une série de séminaires dans lesquels des intervenants extérieurs viendront à chaque fois nous faire découvrir des lieux de rencontre où se croisent littérature, théorie et philosophie.
L’accès à ces séances est libre.
Première séance :
Mercredi 31 Octobre, 10-12 h, Local 4015
Dr Nathanaël Wadbled, Université de Lorraine-CREM
« L’autofiction théorique de Judith Butler »
Dans ses ouvrages de philosophie où elle s’attache à définir l’identité de genre, Judith Butler présente l’histoire de sa constitution en racontant des « fictions vraisemblables ». Elle ne fait pas référence à des doctrines à proprement parler, mais raconte des histoires. Son écriture s’énonce sous le mode de la mise en intrigue articulant et synthétisant des processus de subjectivation. Elle raconte ainsi des histoires conceptuelles, des récits fictionnels théoriques. La dialectique hégélienne de la conscience malheureuse, l’interpellation althussérienne, la mélancolie freudienne, la mauvaise conscience nietzschéenne, la performativité austinienne, le stade du miroir lacanien, sont autant d’intrigues et d’histoires qui permettent à Butler de comprendre comment fonctionnent certains mécanismes par lesquels se produit l’identité de genre. Chaque histoire offre un point de vue sur sa constitution et en éclaire un aspect. De plus, c’est en tant que femme et lesbienne qu’elle produit une théorie de la formation de l’identité des femmes et des lesbiennes. Elle assume ainsi explicitement l’autoréférentialité de ces fictions. Si elle n’utilise pas la première personne, suivant la norme de l’écriture philosophique académique, l’identité nominale entre l’auteur, le narrateur et le personnage semble clairement assumée et revendiquée. Un pacte autobiographique et un pacte philosophique sont ainsi conjointement mis en place: un auteur informe sans ambiguïté qu’il renvoie à une histoire vraie tout en se plaçant explicitement sur un plan théorique général.
