Philosopher en points de vue
Histoire des philosophies perspectivistes
Les 5 et 6 octobre 2017
Argumentaire
Le perspectivisme ou philosophie des points de vue a reçu dans l’histoire de la philosophie ses lettres de noblesse chez Leibniz – qui en a consacré le terme, sinon la notion – et trouvé sans doute son heure de gloire chez Nietzsche – qui en a fait un levier critique pour retourner toute la tradition métaphysique.
Mais par-delà ces deux occurrences les plus fameuses, le philosophème du « point de vue » et la logique perspectiviste ont joué un rôle constant, plus ou moins discret, plus ou moins central, à travers l’histoire de la pensée européenne et des systèmes philosophiques, depuis les joutes éristiques entre Platon et les sophistes (notamment Protagoras), en passant par les néo-platonismes, la mystique rhénane, la cosmologie renaissante, le rationalisme classique, l’idéalisme allemand, l’herméneutique et jusqu’à la philosophie analytique contemporaine.
S’inspirant d’inventions majeures typiquement perspectivistes dans les domaines de l’optique, de la peinture, de la cartographie ou de l’astronomie, les philosophes ont cherché à s’approprier certaines ressources conceptuelles de ces techniques et théories pour en faire un usage proprement métaphysique permettant de reconstruire les objets fondamentaux de l’ontologique classique – la réalité, la vérité, le monde – à partir de la multiplicité de points de vue qui les constituent. Plus généralement, sur les plans épistémologique, logique, rhétorique, anthropologique, historique, éthique et politique, la pensée philosophique se transforme à mesure qu’elle réfléchit le rapport de dépendance et de relativité entre la position qui conditionne l’exercice de la connaissance humaine et les aspects du réel qu’elle peut appréhender depuis cette position. Cette relativité se complexifie par la pluralisation des points de vue subjectifs possibles et des aspects objectifs correspondants.
Pourtant, cette relativité de l’appréhension de la réalité aux multiples points de vue idéels d’où ses aspects peuvent prendre du sens n’entraîne pas nécessairement ou eo ipso les penseurs perspectivistes dans un relativisme auto-réfutant. Toute une série de philosophes qui font du « point de vue » un concept opérateur central dans leur spéculation s’inscrivent dans une conception universaliste de la vérité et pensent précisément le perspectivisme comme un universalisme, voire l’universalisme comme un perspectivisme. D’autres philosophes, particulièrement à partir de la modernité tardive, mobilisent à l’inverse le phénomène perspectif pour rendre caduque toute prétention universaliste. D’autres encore, font de la perspectivité un phénomène de la vie ou une structure du réel, avant d’être une loi de la connaissance.
L’enjeu de ce colloque est de reconstruire diachroniquement certaines des étapes les plus marquantes de l’histoire de la philosophie des points de vue en cherchant à mettre en lumière la fonction structurante de la perspectivité dans les différents systèmes où elle opère, le contexte épistémique et historique qui les porte à l’agenda métaphysique, les problèmes et limites de la logique du « point de vue » et les diverses stratégies des philosophes soit pour se frayer une voie moyenne entre un réalisme dogmatique et un relativisme sceptique, soit au contraire pour valoriser l’outil perspectiviste dans une entreprise déconstructrice.
Intervenants
Valérie Aucouturier (Université Saint-Louis – Bruxelles)
Christian Berner (Université Paris-Nanterre – Paris X)
Laure Cahen-Maurel (Université Saint-Louis – Bruxelles)
Sylvain Delcomminette (Université libre de Bruxelles)
Alberto Frigo (Université Paris-Sorbonne – Paris IV)
Marc-Antoine Gavray (Université de Liège / FNRS)
Quentin Landenne (Université Saint-Louis – Bruxelles)
Arnaud Pelletier (Université libre de Bruxelles)
Natacha Pfeiffer (Université Saint-Louis – Bruxelles)
Emmanuel Salanskis (Fondation Thiers / CNRS)
Anne Sauvagnargues (Université Paris-Nanterre – Paris X)
Adresse :
Université Saint Louis – Bruxelles
Boulevard du Jardin botanique, 43, 1000 Bruxelles
Local P 61