Anaïs Jomat est docteure en philosophie de l’Université Saint-Louis – Bruxelles (2023) et chercheuse au Centre Prospéro. Titulaire de l’Agrégation française de philosophie, elle a réalisé des études de philosophie (Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne) et de sociologie (Université Paris VII) avant de rejoindre le Centre Prospéro en 2016.
Sa thèse de doctorat, intitulée « L’excuse et les vicissitudes de l’action humaine : une approche en termes de langage ordinaire » se situait à la croisée de la philosophie du langage, de la philosophie de l’action, et de la théorie du droit : ce travail, mené sous la direction de V. Aucouturier, entendait trouver dans l’œuvre de J. L. Austin, mais aussi dans la théorie de la défaisabilité de H. L. A Hart, ainsi que dans la pensée de S. Cavell, des ressources pour penser les manières hétérogènes dont nos actes ou nos paroles peuvent ou non être qualifiés d’in-intentionnels. À cet effet, il s’agissait d’analyser le jeu de langage des « excuses » – autrement dit des diverses manières dont (re)qualifions parfois rétrospectivement nos actions lorsque celle-ci tournent mal – pour interroger le concept d’intentionnalité à la lumière d’une philosophie de l’action renouvelée.
Plus récemment, les recherches d’Anaïs Jomat se concentrent sur la question du cyberharcèlement et des discours de haine en ligne. Si elle est désormais au cœur du débat public, la notion de « cyberharcèlement » est pourtant loin d’être univoque et recouvre une pluralité de situations et de pratiques langagières différentes : « trolling », raids numériques, « flaming » intimidation, diffamation, « revenge porn », « doxxing », injures, menaces, etc. – la variété des usages de la violence en ligne se fait de plus en plus difficile à saisir, ce qui fragilise en partie sa prise en charge, tant au niveau juridique qu’au niveau des politiques publiques élaborées pour y répondre. Le concept de « harcèlement », forgé à l’origine pour répondre à la problématique du harcèlement moral ou sexuel hors-ligne, est-il à même de saisir les spécificités des phénomènes concernés ? La différence entre harcèlement « hors ligne » et harcèlement « en ligne » réside-t-elle simplement dans une dichotomie tranchée entre le caractère « virtuel » ou « réel » des espaces dans lesquels il s’insère ? Est-il encore pertinent de raccrocher le cyberharcèlement, comme on le fait souvent, à la catégorie des discours de haine, ou faut-il revoir cette classification ? C’est à ces questions qu’Anaïs Jomat espère désormais apporter des réponses dans le cadre de ses recherches post-doctorales.